9. Les dieux reviennent

Un seul Dieu ou un seul Monde ?

Si le "socialisme indien" (adopté par le Congrès dès 1936 ; à peu près tous les partis indiens se réclament du socialisme) n'a jamais renié l'hindouisme, cette nébuleuse de religions, de castes et de cultes tribaux, un univers en soi, et avait fondé son identité sur la tolérance des religions exogènes minoritaires que sont le christianisme et l'islam, la Chine maoïste a par contre d'emblée découragé les croyances et les pratiques religieuses, même les plus traditionnellement chinoises - taoïsme, confucianisme, bouddhisme – et strictement contrôlé les institutions religieuses. La Révolution culturelle accentua encore cet aspect antireligieux de l'idéologie officielle. Touts les énergies devaient être concentrée sur l'édification de la patrie socialiste et la religion dans ce contexte était considérée comme une insoutenable distraction.

En Inde, le retour au pouvoir de la droite avec l'élection du candidat du BJP, Narendra Modi, coïncidant avec l'aggravation de la tension entre les musulmans Ouighours du Xinjiang chinois, avec celles entre les majorités bouddhistes theravada et leurs minorités musulmanes respectives en Thaïlande, au Sri Lanka et au Myanmar marque sans doute un tournant dans l'attitude des pays de l'Asie de l'Est envers l'islam qu'ils avaient ignoré jusqu'à récemment1.

Ces événements coïncident par ailleurs avec, à l'ouest, au Moyen Orient, l'irruption de l'ISIS sur la scène moyen-orientale et sa fulgurante prise de contrôle d'une grande partie des territoires irakien et syrien, drainant un nombre considérable de jeunes musulmans occidentaux en majorité "européens",
la guerre entre le gouvernement légitime (ou officiel) et les factions tribales et/ou islamistes en Libye et les conflits endémiques entre chrétiens et musulmans en Afrique subsaharienne (Mali, Nigeria, Centre-Afrique). En Europe plusieurs décennies d'une vaine politique d'apaisement de l'islam et de l'islamisme, n'ayant pas empêché, depuis la fin des années 60, détournement d'avions et attentats petits et grands, d'abord à l'initiative des nationalistes palestiniens puis des islamistes de différentes obédiences, aboutissent à des attentats massifs (Londres, Boston, Madrid)
ou spectaculaire (Attaque de Charlie Hebdo en janvier 2015) et à une montée des partis de droite et d'extrême-droite partout sur le sous-continent européen.

Même si, au lendemain de cette attaque le Premier ministre français Manuel Valls déclara une "guerre totale à l'islamisme radical", il est peu probable que la dépendance de l'Europe des ressources énergétiques du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, la proximité de ces régions, et la présence sur le territoire de l'Europe de l'Est d'importantes minorités originaires de ces régions, par ailleurs très proches, les hoquets du processus d'intégration de l'UE et donc la balkanisation du sous-continent, pris entre le Commonwealth anglophone (USA, UK et leur bras armé, l'Otan) la Russie et le Dar al Islam, y permette des mesures plus radicales du type de celles qu'ont déjà prises et continueront sans doute à prendre la Chine, l'Inde ou la Birmanie, sans parler de la Thaïlande.

Globalement si par rapport à l'islam, l'Occident semble sur la défensive, l'Extrême-Orient semble prendre des postures moins timides.

Les premiers mois du règne de Modi furent marqués par des événements inimaginables sous le Congrès, même s'il était déjà arrivé que des représentants régionaux de ce dernier parti aient été impliqués dans des incidents visant la minorité musulmane indienne.

En particulier, les campagnes de "reconversion à l'hindouisme" (ghar svap) de musulmans et de chrétiens organisées par le Rashtriya Svayamsevak Sangh, organisation chapeautant plusieurs organisations hindouistes, et dont le BJP, parti de Modi, est proche, choquèrent l'opinion internationale mais aussi certains secteurs de l'opinion indienne. Notons cependant que ces campagnes ont jusqu'à présent évité de prendre pour cible les néo-bouddhistes ambedkarites, sur la base sans doute que l'orthodoxie hindoue persiste à considérer le bouddhisme, religion d'origine indienne, comme une des nombreuses écoles qui constituent la nébuleuse hindoue. Les bouddhistes auraient toujours été, seraient et seront toujours des hindous, mêmes si les intéressés le nient.

D'autres initiatives telles que celle visant à faciliter l'obtention du droit de résidence et/ou de la nationalité indienne pour les détenteurs d'une autre nationalité mais d'origine indienne et de religion hindoue, ou sa proposition en septembre 2014 d'instauration par l'ONU d'une journée internationale du yoga – le 21 juin - adoptée en décembre (177 voix sur 193) renforcent l'image d'un hindouisme se départissant de l'amorphisme protéiforme qui l'avait rendu vulnérable aux entreprises de religions mieux structurées, organisées ou centralisée. Avec Modi, les ressources de l'Etat indien lui-même se mettent au service d'un hindouisme global et militant. En novembre 2014 un Ministère du Yoga est créé visant à promouvoir le yoga comme outil "pour le rassemblement de l'humanité", ainsi que la médecine traditionnelle ayurvédique.

Modi a beau être dans l'environnement indien très marqué à droite, un trait important du personnage est que, s'il est indéniablement hindou, il n'est pas issu des castes supérieures de l'hindouisme 2 (brahmines et kshatriya) dont traditionnellement les professionnels de la politique indienne sont issus, y compris ceux des partis de gauche, marxistes ou maoïstes. Si Modi est hindou, il semble avoir compris que l'idéologie "castéiste" et la structure de caste avait des conséquences négatives pour la société indienne, son développement économique, ainsi que pour l'image globale de l'hindouisme.

Certains de ses gestes aussi comme celui où il se fit filmer en train de balayer la rue, activité réservée aux castes inférieures, peut-être considérée comme une revendication de ses origines sociales, ce qui est rare dans contexte sociologique de l'hindouisme.

Les dieux de l'hindouisme, faces multiples d'un Absolu unique (Brahman) sont donc loin d'être passés de mode, d'autant plus que certains secteurs même de la population musulmane ont conservé – souvent par le biais du soufisme – des conceptions et pratiques d'origine hindoue. Même les chrétiens sont influencés dans leur théologie par le milieu hindou ambiant, allant parfois jusqu'à faire du Christ une parmi d'autres des faces de l'Absolu ou Brahman. Les cas de prêtres catholiques intégrant des rites hindous dans leurs prestations liturgiques ne sont pas rares, et il existe des monastères ou centres de méditation où le christianisme et une ou plusieurs des traditions religieuses hindoues se croisent et se mélangent 3.




*





En Chine

Les dix-mille choses – le nombre infini des phénomènes - ne font qu'un.

Comme le note François Thual4, le bouddhisme en Chine au début du XX e siècle, à la fin de la dynastie des Qing, ne jouait plus aucun rôle, "ni politique, ni géopolitique". Malgré "l'extraordinaire floraison philosophique de ses écoles de pensée au Moyen-Âge, lesquelles donnèrent naissance au chan, appelé à devenir le zen au Japon, la contre-réforme néo-confucianiste des XIII e et XIV e siècles avait en Chine, comme au Vietnam, fini par "marginaliser le bouddhisme chinois". Dans l'idéologie des "Trois Religions n'en faisant qu'Une" la place du bouddhisme s'était d'autant plus réduite que "la révolte des Taïpings en 1850 avait détruit des milliers de temples. Les seules régions où il constituait encore un phénomène important ... étaient les périphéries conquises et soumises comme la Mongolie et le Tibet". Et cela en dépit du fait que les derniers empereurs Mandchous fussent des dévots du bouddhisme lamaïste mongole.

Aux yeux des nationalistes modernisateurs du Kuomingtang le bouddhisme apparut "comme un handicap au développement de la Chine et connut même des persécutions sous le régime de Tchang Kai-shek durant l'entre-deux-guerres.5"

Le régime de Mao Zedong fut plus implacable encore. Considérant le bouddhisme comme "une survivance de la culture féodale ... arrestations, assassinats et destructions s'abattirent sur la société bouddhiste dès 1949.6"

Une association de bouddhistes de Chine (Zhonhguo Fojiào Xiéhui : BCA, Buddhist Chinese Association7) fut cependant créée en 1953 à la demande de disciples du moine humaniste Taixu. Son siège était le Temple Guanji de Pékin. Comme les autres Eglises et associations religieuses patriotiques (taoïstes, confucianistes) elle était placée sous le contrôle d'une Administration d'état pour les affaires religieuses (State Administration for Religious Affairs) et servait de lien entre les bouddhistes, leurs organisations et le gouvernement ainsi qu'avec les organisations bouddhistes internationales. Mais, nous dit François Thual8, "elle ne fut qu'une courroie de transmission destinée à domestiquer encore un peu plus les rares survivances de la religion du Bouddha, tout en servant de vitrine pour l'extérieur. Cette persécution politico-administrative ... [fut suivie] de la vague de violence meurtrière et iconoclaste que fut la Révolution culturelle à partir de 1967 ... à partir des années 1970, les choses commencèrent à s'apaiser ... permettant aux rares structures bouddhistes qui avaient survécu ... de reprendre une apparence de vie sociale".

L'article 36 de la Constitution de la République populaire (1982) déclare "Les citoyens de la République populaire de Chine jouissent de la liberté de croyance. Aucun organisme d'état, pouvoir public ou individu ne peut obliger les citoyens de croire ou ne pas croire en une religion quelconque. ... Nul ne peut utiliser une religion pour ... troubler l'ordre public ... Les associations religieuses et leurs affaires ne peuvent être l'objet d'interférences étrangères"9.

Cette attitude de l'Etat communiste chinois par rapport aux religions n'est pas sans rappeler une doctrine qui fut en vogue en Europe, en Prusse et en Autriche particulièrement, à l'époque de l'Aufklärung et du despotisme éclairé : le joséphisme. Pour Joseph II, l'état ne pouvait prétendre qu'au contrôle des corps (et donc des comportements et manifestations extérieures du sentiment ou de la croyance) cependant que les individus devaient rester seuls maîtres de leurs âmes (de leurs croyances, opinions et convictions)10. Pour le joséphisme, ainsi que pour Frédéric II de Prusse, l'autorité de l'Etat prévalait nécessairement sur celle des Eglises. Le théologien prussien Spalding "accorde à l'Etat le droit de vérifier si la religion est conforme à ses propres buts, soit au maintien de l'ordre et à l'organisation de l'assistance publique" (Henri Brunschwig, Société et romantisme en Prusse au XVIII e siècle, Flammarion-Science, 1947-1973, p. 31). A l'article "joséphisme religieux" de wikipedia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Jos%C3%A9phisme#Le_Jos.C3.A9phisme_religieux) consulté le 26/4/2015, nous lisons :


Pour lui [Joseph II] et ses conseillers, selon le « droit naturel » le premier but d'un État est d'apporter à ses ressortissants tout le bonheur possible. Seule la religion qui lie les consciences peut empêcher les individus de négliger leurs devoirs et de manquer de bienveillance les uns envers les autres, et c'est pourquoi l'État voit en elle le facteur principal de l'éducation : « L'Église est une section de la police, elle doit servir aux desseins de l'État jusqu'à ce que le peuple soit suffisamment éclairé pour qu'une police universelle la remplace. » (Sonnefels). Riegger, un érudit, tirait de la théorie du contrat primitif la prédominance de l'État sur l'Église (« pactum unionis ») en ce sens que le gouvernement, au nom de tous les individus, exerce une certaine juridiction religieuse, les « jura circa sacra ». Un autre érudit (Gmeiner) formulait la théorie que toute législation qui contredit les intérêts de l'État contredit le droit naturel et par conséquent la volonté du Christ ; il en résulte que l'Église n'a pas le droit de prescrire de telles lois et que l'État ne saurait les accepter.





Nous avons vu 11 qu'à partir de 2005, et sans doute déjà dès 2001, suite à l'attentat contre le World Trade Center le 11 septembre, le parti avait initié une politique de promotion tant en Chine qu'à l'étranger, de ses deux autres religions traditionnelles, le taoïsme mais surtout le bouddhisme. L'application de cette politique fut confiée à cette même association. À cet effet l'ABC fut autorisée à établir des contacts avec les lignages monastiques parallèles ou équivalentes à Taiwan ainsi qu'avec les organisations bouddhistes internationales. Elle publiait également la revue Chinese Buddhism.

Jusqu'en 2001-2005 le gouvernement chinois, avait paradoxalement laissé plus de liberté aux religions universalistes d'origine étrangères telles que les confessions chrétiennes et surtout l'islam – en particulier à l'Ikhwan, ou Frères musulmans - qu'aux religions traditionnelles chinoises, taoïsme et bouddhisme particulièrement, suspectes d'entretenir les pratiques superstitieuses encore profondément enracinées dans certains secteurs de la population des campagnes entre autres. En particulier, s'il contrôlait assez étroitement les organisations chrétiennes, et particulièrement l'Eglise catholique – placé sous la tutelle de l'Eglise catholique patriotique - les organisations des musulmans chinois dits "Hui" avaient, dans le cadre des relations de la Chine avec l'Arabie Saoudite, les états du Golfe et autres états musulmans fournisseurs ou cruciaux pour l'acheminement de la manne pétrolière, bénéficié d'une assez grande latitude, entre autres pour l'organisation de pèlerinage vers La Mecque. Elle ne faisait en somme rien d'autre que ce l'Occident avait fait depuis depuis le pacte de Quincey et la première crise pétrolière.

Reflétant, par une sorte de jeu de miroirs croisés, ce qui s'était passé en Occident depuis la Renaissance, quand la critique du christianisme se fit au nom de la raison, appelant parfois à la rescousse les religions orientales censées vues d'Occident plus rationnelles que le christianisme, la critique chinoise des religions traditionnelles se fit dès la fin du 19e siècle au nom de la science, Et pour les Chinois "progressistes" qu'ils fussent d'ailleurs nationalistes ou communistes, la "science" et les techniques venant d'Occident, les religions occidentales, le christianisme en particulier, bénéficiaient d'une aura "scientifique". La religion de l'Occident, patrie de la science et des techniques devait elle aussi être plus scientifique. N'oublions d'ailleurs pas que les premiers jésuites représentant l'Eglise catholique en Chine, Matteo Ricci et Verbiest par exemple, étaient aussi des techniciens – mécaniciens et horlogers.

Deux facteurs déterminèrent sans doute le changement d'attitude du Parti à l'égard de ses religions traditionnelles. Le premier fut sans doute l'attentat du 11 septembre à New York qui rappelèrent à ces "matérialistes scientifiques", s'il en était encore besoin, que les croyances religieuses pouvaient être mobilisatrices et la variable religieuse ne devait pas être négligée 12.

C'est aussi en 2001 qu'à l'initiative de la Chine, s'associant à la Russie et à plusieurs états d'Asie centrale, fut fondée à Shanghai la Shanghai Cooperation Organization (SCO). Pékin souligne que la SCO est la première organisation multilatérale dont l'objectif majeur est la lutte antiterroriste.

Le second facteur fut sans doute que vent finit par leur parvenir que la "mode" du bouddhisme en Occident était en partie motivée par le fait que beaucoup d'Occidentaux - Einstein, Levi-Strauss et beaucoup d'autres - considéraient la métaphysique bouddhiste, indienne en fait – un monde éternel et infini,sans créateur ou cause première - comme plus facilement conciliables avec les présupposés de la science moderne.

En 2006, la BCA et l'Association bouddhiste de Hong Kong purent organiser à Hangzhou et Zhoushan le deuxième Forum Bouddhiste Mondial (World Buddhist Forum), accueillant moines et bouddhologues de cinquante pays. En 2009, le troisième Forum Bouddhiste Mondial se tint pendant quatre jours à Wuxi, dans la Jiangsu.

Le Vénérable Xue Cheng, abbé des monastères de Famen – près de Xian – et de Longquan – au nord-est de Pékin - fut un des acteurs de cette récupération de la tradition bouddhiste de la Chine par le gouvernement chinois.

Fu Ruilin est né en 1966 à Luofeng, dans la Province du Fujian. En 1982, à l'âge de 16 ans, il entre comme novice au monastère de Guanghua. En tant que moine il reçoit le nom de Xue Cheng. En 1982, à l'âge de 18 ans, il entre à l'Université bouddhiste de Chine (Buddhist College of China). A 22 ans, en 1984, il obtient la licence (master) en bouddhologie et prononce les voeux (reçoit les préceptes) qui font de lui un moine à part entière (upasampada). En 1990, à 24 ans il est désigné comme abbé du monastère de Guanghua, ce qui fait de lui le plus jeune abbé titulaire d'un grade académique. En 1991, il est nommé Vice-Président de l'Académie bouddhiste du Fujian et en 1993, Vice-Secrétaire général de la BAC. En 1994, il représente pour la première fois le bouddhisme chinois à l'étranger dans le cadre de l'exposition de reliques corporelles du Bouddha en Thaïlande, où domine pourtant le bouddhisme théravada. En 1995 il est promu Président de l'Académie bouddhiste du Fujian et est le premier moine de l'ethnie des Han à assister au rite tibétain de sélection (réincarnation) du 11e Panchen Lama. En 1998, à 28 ans, il est désigné comme Président de l'Association bouddhiste de la Province du Fujian.

En 2002, à l'âge de 36 ans, peu après l'attentat du 11 septembre 2011 à New York, il est nommé Vice-Président et Secrétaire général de la BAC. En 2004, à l'âge de 38 ans, il devient abbé de l'ancien et fameux monastère de Famen, à l'Ouest de Xian dans le Shaanxi où il reçoit le Président Hu Jintao. Il y restaure la tradition des retraites d'été (Vasa). En 2005, il est nommé abbé du monastère de Longquan, près de Pékin, au Nord-Ouest du Palais d'été. Il y restaure également la tradition des retraites d'été. La même année, il dirige deux délégations en dehors du pays, l'une en Corée, l'autre en Indonésie, où il assiste au premier rite de prise de voeux monastiques dans ce pays depuis 500 ans, c'est-à-dire depuis la disparition du bouddhisme dans ce pays.

En 2006, afin d'atteindre aune audience plus large, il inaugure un blog. Il sera aussi un des orateurs principaux du World Buddhist Forum. En 2007, il reçoit le titre de Docteur honoris causa de l'Université Royale de Mahachulalongkorn à Bangkok. Le premier volume de son blog, Monk Blog, est publié.

En 2008, suite au tremblement de terre qui vient de dévaster le Sichuan, il se rend sur place pour suivre les activités de l'organisation humanitaire bouddhiste Ren Ai (Humanité), qui organise des écoles temporaires, et visiter les temples et monastères dévastés. Il inaugure le site web Voice of Longquan et publie six volumes (de II à VII) de son blog.

Notons à ce sujet que le bouddhisme promu par la BAC se veut "socialement utile". En harmonie avec la doctrine du PC, il semble aussi faire sien le concept de "bouddhisme engagé" ou de  "compassion active" qui s'est répandu au cours des deux dernières décennies dans les différentes écoles de bouddhisme tant chinois (à Taiwan) que dans les autres pays de tradition bouddhiste et en Occident. 

En 2009, il donne une conférence sur "Une interprétation moderne du bouddhisme chinois" à la Bibliothèque nationale de Chine.

En juin 2012 la 26 e Conférence de la World Fellowship of Buddhists13 bien que fondée à l'initiative d'organisations théravada, s'était tenue à Yeosu en Corée du Sud, pays de tradition mahayana.

Poursuivant cette orientation oecuménique entre le theravada et le mahayana sur l'initiative conjointe de la WFB et de la BAC, la 27 e Conférence générale de la WFB14 se tint pour la première fois en Chine, au monastère de Famen, à Baoji au Shaanxi, le 16 octobre 2014. Elle rassemblait 600 représentants de 30 nations et régions, parmi lesquels le 11e Panchen Lama et Nichiu Mochida abbé du monastère tokyote de Sogen-Ji. Y assistait également Yu Zhengsheng, président du Comité national de la Conférence politique consultative du Peuple chinois (CPPCC : National Committee of the Chinese People's Political Consultative Conference)15, soit plus ou moins l'équivalent de nos parlements.

Baoji et Famen, ainsi que Xian se trouvant sur la route qu'emprunta Xuan Zang, ce fameux moine et traducteurs chinois qui sous les premiers Tang (7e siècle EC) ramena d'Inde des textes bouddhistes, sa mémoire fut honorée par l'assemblée. Continuant l'oeuvre des traducteurs indiens et centre-asiatiques qui firent le trajet en sens inverse entre le 3e et le 6e siècle EC, Xuan Zang consolidait un des premiers courant d'échanges entre la Chine et le monde extérieur qui devait aboutir à l'émergence d'une bouture originale, déjà très moderne, de la famille bouddhiste, promise à de riches développements au Japon, en Corée et au Vietnam.

Les communications saluèrent également l'augure du développement à venir des relations entre les bouddhisme du Sud et ceux de l'Asie de l'Est et du Nord-Est. Un message du Président srilankais Rajapaksa émit le souhait qu'une meilleure communication entre les différentes écoles du bouddhisme mondial renforce les chances de paix.

Parmi les résolutions adoptées :

  1. La 27e Conférence de l'Association Bouddhiste Mondiale appelle la communauté mondiale à poursuivre et renforcer son engagement en vue du développement et du bien-être humains, de la réduction de la pauvreté et de l'inégalité.
  2. A intégrer les enseignements du Bouddha dans les fondements d'une société pacifique et harmonieuse.
  3. A promouvoir les échanges et le dialogue inter-religieux et inter-culturels afin de réduire les malentendus et la méfiance entre les différentes communautés.
  4. A presser tous les bouddhistes de contribuer à la préservation d'un environnement durable par la réduction de l'avidité, l'adoption d'habitudes de consommation respectueuses de l'environnement et le contrôle des pulsions consommatrices.
  5. De presser toutes les sociétés et communautés du monde de sauvegarder le respect des valeurs humaines visant à la consolidation des bases de l'égalité.
  6. De promouvoir la spiritualité et les pratiques religieuses quelques soient leurs contextes culturels et sociaux.
  7. De veiller à la préservation des patrimoines bouddhistes, tangibles et intangibles, lorsqu'ils sont menacés en différentes parties du monde
  8. De promouvoir l'éducation éthique et morale éthique de la jeunesse bouddhiste afin d'en faire les agents d'une citoyenneté mondiale humaine et responsable.
  9. D'inviter la communauté internationale à poursuivre ses efforts en vue de fournir aux femmes exploitées des chances équitables en matière d'éducation et d'accès aux professions, afin de rehausser leur qualité de vie.
  10. De fournir éducation et formation professionnelle aux communautés sous-développées de manière à améliorer leur situation économique et sociale.

Nous nous engageons à collaborer avec tous les êtres humains afin de réaliser les conditions minimales du bonheur par une culture de la sympathie, de l'harmonie sociale par une culture du respect, de la paix mondiale par une culture de la réconciliation, et de la bienveillance par une culture de la fraternité.
Having successfully conducted the 27th General Conference, we hereby unanimously resolve :
    1.To appeal to the world community to strengthen their ongoing engagements in humanitarian and social welfare development, in order to reduce social inequality and poverty.
    2.To pursue and establish peaceful and harmonious society through applying the teachings of the Buddha.
    3.To promote inter-religious and inter-cultural understanding through dialogues to reduce mistrust and misunderstanding among the communities.
    4.To urge all Buddhists to contribute to environmental sustainability through the mindful reduction of greed and through practicing green-consumption in their daily life.
    5.To urge world communities to maintain respect of human values in order to uphold equality of human beings.
    6.To encourage promotion of spiritual and religious practice irrespective of cultural or social backgrounds.
    7.To work for the preservation of intangible and tangible Buddhist cultural heritages which are in danger in different parts of the world.
    8.To promote moral and ethical education among Buddhist youth to support them to be humane and responsible global citizens.
    9.To appeal to the international community to sustain their ongoing effort to provide educational and professional opportunities to underprivileged women to improve their quality of life.
    10.To provide education and skill development to impoverished communities to help improve their economic and social circumstances.
    We vow to work with all human beings to achieve human happiness through kind heart; social harmony through respect; world peace through reconciliation; and to promote goodwill through fellowship.

Le maître Xue Cheng a participé à la Rencontre annuelle des nouveaux Champions du Forum d'été de Davos qui s'est tenu en Chine, à Tianjin, du 10 au 12 septembre 2014 au Centre de Conférences Meijiang (Annual Meeting of the New Champions 2014, Tianjin Meijiang Convention Center).


Notes 



1 Mes étudiants à Hanoï dans les années 90 en étaient tellement peu informés que certains croyaient que le judaïsme était une secte musulmane. La perception de l'islam devait sans doute commencer à changer dans les pays à la culture marquée par le bouddhisme à partir de la destruction des Bouddhas de Bamiyan, en 2001.
2 Il appartient à la caste des Modh Ghanchi (presseurs d'huile), une des OBC (other backward castes) classée sur l'échelle des "varna" entre les vaishya (petits commerçants) et shudra (cultivateurs), et a commencé sa carrière comme vendeur de chai dans les gares. C'est son adhésion au Rashtiya Svayam Sevak, puis au Bharatiya Janata Party – deux des éléments de la nébuleuse politique de l' extrême-droite indienne (Sangh Parivar), avec le Shiv Sena et le Vishwa Hindu Parishad, qui firent sa fortune politique.
3 Entre autres le monastère cistercien de Kurishumala au Kerala et le Centre de méditation zen Bodhizendo fondé par un jésuite indien, le Père Ama.
4François Thual, Géopolitique du bouddhisme, Editions des Syrtes, Paris, 2002, pp. 17-18.
5 ibidem, p. 18.
6 Idem, p. 59-60.
7 Wikipedia, Buddhist Chinese Association.
8 Idem p. 60.
9 Traduit de l'anglais dans Wikipedia, Buddhist Chinese Association.
10 Voir correspondance entre Joseph II et Marie-Thérèse d'Autriche in http://germanhistorydocs.ghi-dc.org/sub_document_s.cfm?document_id=3637
11 Voir chap. I, Parenthèse monothéiste.
12  "a National Conference on Religious Work was held between December 10-12, 2001 by the Central Committee of the Communist Party of China and the State Council. The conference provided strategic and far-sighted guidance for the country’s religious work in the new century. President Jiang Zemin spoke highly of the status and role of religion at the conference, “Religion is an important component of the work of the Party and government. It plays a significant role in the overall development of our undertakings.” He further pointed out, “To understand today’s world, we must understand religion. We should never underestimate the impact of religious issues on the current world politics and social life.” (Ven. Xue Cheng "Some thoughts on Chinese Religions in the New Century, in The Voice of Dharma, Journal of the BAC, No.214, Jun., 2002).
13 La WFB fut fondée au Sri Lanka en 1950 à l'initiative d'organisations théravada. Son siège est à Bangkok.
14 Voir le site The Voice of Longquan , World Fellowship of Buddhists 27th General Conference

15 La Conférence consultative politique du Peuple chinois (Zhongguo Rénmin Zhèngshi Xiéshang Huiyi, ou "Rénmin Zhèng Xié) rassemble les huit partis et organisations ethniques et religieuses alliées au PCC dès 1946 (Front Patriotique). Elle se réunit une fois par an en même temps que l'Assemblée nationale populaire dont elle remplissait le rôle jusquà la Constitution de 1954. Elle est dirigée par un Comité central exécutif et remplit plus ou moins le rôle d'une Chambre haute consultative.   

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