Les mots "hypnose, suggestion, auto-suggestion" ont encore mauvaise presse dans certains milieux scientifiques ainsi que dans une partie du grand public. Après avoir été utilisée, puis abandonnée par Freud, l'hypnose est pourtant, depuis une décennie ou deux remise à l'honneur en thérapie. Par la parole, le
verbe, les symboles, les images, elle vise à créer des "ambiances" favorables à la modification des attitudes et des comportements.
Car si le mot a mauvaise presse, la réalité - cette disposition à la suggestibilité, présente à différents degrés chez tous les humains et sans doute chez certains animaux - a toujours été exploitée par les pouvoirs politiques et religieux , les États, les Églises, et de nos jours les partis politiques et les agences publicitaires.
Sont également à rattacher à ce type de phénomène l'attraction et l'effet relaxant exercés sur les enfants par tout ce qui est conte, récit, histoire, et sur certains adultes par la lecture de romans, où la plongée dans les salles obscures pour s'y abstraire pendant deux heures des soucis qui forment la trame de nos vies quotidiennes et en sortir dans un état parfois second, confinant à la clairvoyance, de l'aveu de beaucoup de cinéphiles.
Car si le mot a mauvaise presse, la réalité - cette disposition à la suggestibilité, présente à différents degrés chez tous les humains et sans doute chez certains animaux - a toujours été exploitée par les pouvoirs politiques et religieux , les États, les Églises, et de nos jours les partis politiques et les agences publicitaires.
Sont également à rattacher à ce type de phénomène l'attraction et l'effet relaxant exercés sur les enfants par tout ce qui est conte, récit, histoire, et sur certains adultes par la lecture de romans, où la plongée dans les salles obscures pour s'y abstraire pendant deux heures des soucis qui forment la trame de nos vies quotidiennes et en sortir dans un état parfois second, confinant à la clairvoyance, de l'aveu de beaucoup de cinéphiles.
Si
les institutions religieuses sont pour la plupart hostiles à la
théorie de l'hypnose, c'est qu'elles sont elles-mêmes toutes
fondées justement sur cette étrange disposition, des couches les plus profondes de la conscience humaine, et peut-être même de celle de certains animaux, à être impressionnées par la
répétition et la brillance, les symboles et les slogans ou les
"mantras", que ce soit la croix, le croissant, la pleine
lune, l'étoile ou des formules aussi diverses que "Amen",
"Alleluia", Dieu est amour, Ôm, Namo Amida Butsu, Allah
Ouakbar etc. en association avec des mythes, des histoires, rassurantes ou flatteuses. L'efficacité de ces formules repose sur leur capacité d'interrompre
la pensée discursive où s'inscrivent nos projets, soucis, regrets,
remords, craintes et terreurs – dont en premier celle de la mort – de nous permettre de nous en distancier, de nous en
distraire, assez longtemps pour remettre en perspective et
éventuellement trouver une issue à ces affects perturbateurs. Les
religions furent sans doute les premières, bien avant les instances
de propagande et les agences publicitaires, à découvrir et à
exploiter la puissance de la suggestion. Elles ont longtemps tenté
de s'en réserver le monopole, en lui donnant une signification
surnaturelle, inséparable de leurs conceptions respectives de la
divinité ou du divin. Elles ont souvent, de gré ou de force, partagé ce monopole avec la force brute
du pouvoir "temporel". Leur hostilité au dévoilement des
mécanismes de l'hypnose est donc compréhensible, car ces mécanismes
sont ceux-là mêmes qu'elles-mêmes mettent en oeuvre sciemment dans
le chef de quelques uns, ou inconsciemment1
dans le chef même de ses clercs, eux-mêmes parfois agis, manipulés, par l'institution et son idéologie.
Une
d'entre ces religions n'était au départ pas hostile à ce
"dévoilement". Le
bouddhisme a sans doute reconnu d'emblée le caractère "naturel"
de cette disposition à la suggestibilité. Le Bouddha, comme Épicure, n'ont pas nié que les dieux indiens
ou grecs n'étaient que des symboles, des "médecines"
pour l'âme, des ruses sinon des trucs "psycho-thérapeutiques".
Et les lamas tibétains ont régulièrement affirmé que les
divinités, leurs icônes, et les mantras ne sont que des outils
destinés à atteindre un objectif posé comme avantageux. Ils n'ont
d'autre existence ou efficacité que mentale. Rien d'essentiel ou de
miraculeux dans ces formules ou ces icônes que l'étonnante capacité
de nos esprits à en être profondément affectés au point que le
fond de réalité subjective sur lequel nous déployons notre
activité en soit réellement modifié, pour le mieux, dans le sens
de la survie que ce soit de l'individu, du groupe ou de l'espèce.
Avec
l'apparition des démocraties, les mouvements politiques ont également largement utilisé cette disposition des individus, des groupes
d'individus et des foules à être affectés par les images les
symboles et les slogans.
Enfin
les firmes publicitaires en usent également largement, pour le
meilleur et pour le pire que ce soit par les logos ou les formules
publicitaires d'autant plus efficaces qu'elles sont simples,
lapidaires, incantatoires.
Plus
la formule et le symbole sont simples, nous épargnant l'effort de la
réflexion et de la critique, plus ils sont rassurants et efficaces.
Ils seront d'autant plus puissants que leurs gestionnaires –
Églises, Umma, peuples,
nations, États,
entreprises – auront les moyens de créer un lien de dépendance
psychologique, affective – culpabilité - matérielle ou financière
en assumant les traits de la protection paternelle ou maternelle.
Le
génie de Mahomet fut sans doute de comprendre cela. Mahomet fut-il
d'abord, surtout, uniquement, un publiciste génial ? Plus c'est
simple, mieux cela marche : un seul dieu, un symbole – le croissant, figure du sabre – simple, élégant, et "hypnotique", une seule nation –
la nation de l'islam – destinée à conquérir le monde, un seul
état, l'Oumma musulmane ; il y a ajouta un conservatisme profond
sacralisant la structure tribale et clanique de la société arabe
et un conformisme non moins profond soumettant l'individu à son clan
et à l'Oumma musulmane, simple hypostase du clan endogamique arabe .
Si la sanction pour qui oserait chercher à échapper à cette
structure simplissime est la mort, elle épargne aussi à l'individu
les affres du choix, du doute, et de la responsabilité, tout en l'assurant du pardon de toute faute ainsi que de sa supériorité essentielle sur infidèles, tant que la foi elle-même n'est pas remise en question,
Car
cette suggestibilité est polyvalente. Elle peut être affectée d'un
nombre très grand de nuances d'utilité ou de nocivité morale et
sociale relative. On peut l'utiliser d'abord aux fins de ce formatage
élémentaire de l'individu qui lui permet de survivre dans une
société donnée – c'est ce que fait tout système éducatif -
comme dans une phase ultérieure afin de libérer des individus de
ces mêmes "engrammes" laissés par les formatages
premiers, lorsqu'ils empêchent les individus de poursuivre leur
intérêts objectifs ou ceux d'une autre société. On peut aussi l'utiliser dans la poursuite de
projets criminels à petite ou à grande échelle. Cette capacité
peut donc être utilisée tant à des fins de libération qu'à des
fins de sujétion ou d'aliénation des individus. Les organisations religieuses et
les grandes marques commerciales chercheront souvent à fidéliser
plutôt qu'informer. Certaines écoles bouddhistes, ainsi que la
psychanalyse et les psychothérapies fondées sur l'hypnose ont
prétendu utiliser cette même disposition afin de libérer
l'individu des croyances empêchant son accès à l'autonomie, même
si elles ne le font pas toujours ou ne le font parfois qu'au prix d'une autre aliénation, le fameux transfert en psychanalyse.
Les
symboles et slogans agissant sur notre esprit sont mobilisateurs.
Que ce soit Allah Ouakhbar – Notre Dieu est le plus grand - clamé
du haut des minarets depuis 1400 ans - ou le Deutschland Uber
Alles des nazis qui mobilisa tout un peuple pourtant parmi les
plus avancés. L'idée simpliste, à certains
égards "religieuse", d'une "société sans classe"
n'a-t-elle pas réussi à mobiliser une grande partie de l'humanité
pendant plusieurs décennies, pour aboutir parfois à la création de
nouvelles élites parfois aussi
corrompues, cyniques et impitoyables que celles qu'elles avaient
renversées ?
Ces
outils que sont les symboles, les slogans, les "mantras",
tant qu'ils n'appellent pas explicitement à la violence ou ne violent pas notre
capacité à raisonner et à choisir, sont cependant légitimes et
d'ailleurs indispensables et souvent inévitables ; c'est notre
nature animale et humaine qui nous y rend réceptifs.
Les actes barbares perpétrés de nos jours par
l'ISIS/ISIL/DAECH au nom d'un retour à l'islam des origines et à
l'application littérale de sa loi ne sont que la triste illustration
du fait que les exploitations de cette disposition, les utilisations
de l'hypnose, peuvent aussi être criminelles, sanguinaires et
génocidaires...
1 Pour
une analyse approfondie des mécanismes de l'hypnose et de la
suggestibilité lire : L'âge des foules, de Serge Moscovici
(Fayard, 1981 ; Editions Complexe 1985).
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