Questions de morale
Le contenu de cette "page" est surtout inspiré des ouvrages de Jean Soler, La Loi de Moïse (Editions de Fallois, 2003) et L'invention du monothéisme (Hachette, 2003). Les passages entre guillements, avec indication de la page entre parenthèses, en sont textuellement tirés. Les références aux quelques citations provenant d'autres ouvrages sont explicitement mentionnées entre parenthèses ou en note de bas de page.
A propos de la traduction de la Bible de Jean Soler, Jean Perrot, chercheur au CNRS et ancien directeur de la Mission archéologique française en Israël et en Iran invitait à ne pas y voir "une traduction de plus 'inspirée par la tradition vivante' de quelque Eglise ... [mais] au pied de la lettre ... une version débarassée d'interprétation confessionnelles et qui fait dire à la Bible ce qu'elle a dit réellement au premier stade de sa rédaction."
*
L'Ancien Testament constitue sans doute
un des premiers documents écrits à nous laisse des informations sur
la morale segmentaire ou clanique ancienne. Avant de prendre des
formes variées en fonction de ses différents contextes diasporiques
la structure du clan hébreux telle qu'à l'époque d'Abraham était
semblable à celle du clan arabe.
*
Quelques repaires historiques et
terminologiques :
Le Premier Temple (de Salomon)
construit au X -IX e AEC est détruit en 587 par Nabuchodonosor roi
de Babylone
Le Second Temple sera bâti au retour
de la captivité de Babylone en 516 AEC. Le culte est centralisé à
Jérusalem sous l'autorité des Cohanim ou Lévi.
Tora mise sur papier à l'époque de
Platon et Aristote (IV e) traduite en grec au IIIe AEC (Soler, p
208).
Le Second Temple est rénové par
Hérode en 19 AD
Il sera détruit par Rome en 70 AD. Les
Juifs sont dispersés dans tout l'Empire romain. On ne parle
désormais plus d'Hébreux mais de Juifs, concept surtout religieux
car il n'y a plus de territoire national. La religion portera le nom
de judaïsme (rabbinique ou talmudique).
*
La société hébraïque originelle
a toutes les caractéristiques essentielles des sociétés
segmentaires. Quoi que dise Emmanuel Todd (La diversité du
monde, Seuil, 1983-1999, p. 269) qui classe les Juifs, avec les
Allemands et l'Europe du Nord, dans la catégorie "famille
autoritaire inégalitaire", la structure sociale des Hébreux
est bien segmentaire, endogame, et au départ égalitaire, ce qui la
classe avec les Arabes et les Pachtounes dans la catégorie "famille
communautaire", endogame, avec préférence pour un conjoint
patrilatéral. Abraham retourna en Mésopotamie pour y chercher sa
cousine parallèle Sarah, fille du frère de son père. Mais il est
vrai que le contexte diasporique altéra et relâcha cette structure
de différentes manières au point que, si
98 % des Juifs orthodoxes ainsi que les Sépharades et les
Conservateurs (Masorti)
pratiquent encore l'endogamie religieuse1.
En Israël, plus ou moins 50 % des
Habbani et des Samaritains pratiquent encore le mariage entre
cousins2.
Il partage également avec le clan
arabe et tous les clans sémites l'égalitarisme horizontal
(des frères); tous les frères sont égaux et héritent d'une part
égale : "Du point de vue des relations (horizontales) entre
'frères' – ... - ce qui prévaut, au rebours, est l'absence de
hiérarchie." (Jean Soler, La loi de Moïse, Ed. De
Fallois, Paris, 2003, p. 80).
L'institution monarchique est présentée
comme une innovation d'origine étrangère et de nature pernicieuse
(ibidem). Samuel "accueille très mal cette requête"
qu'il interprète comme rejet de la 'royauté de Iahve' (1 S, 8,
4-7). Cependant "Ils peuvent envisager de se donner des chefs
... - des hommes choisis en fonction des circonstances et sans
pouvoir héréditaire -, mais [comme les Arabes] ils se considèrent
entre eux comme des 'frères', des égaux (op.cit., p. 105).
Car, comme dans la société arabe, si
on admet le rôle ponctuelle de la force physique, économique ou
d'influence "il n'est pas prévu, dans l'ordonnancement
théorique de la société hébraïque, une classe permanente
d'Israélites de rang inférieur" (op.cit., p. 104).
L'éthique des premiers hébreux est
typiquement celle de nomades, pour lesquels "le bien" se
définit d'abord sinon uniquement comme le bien du clan ou de la
tribu.
Ces définitions n'ont pas de prétention à une quelconque portée humaniste universelle. Ainsi (op.cit., p. 21) "hérem"
– haram en arabe - " couramment traduit par "interdit"
signifie, d'après Soler, ce qui n'est pas hébreux, et parmi les
Hébreux ce qui contrevient à l'orthodoxie et à la praxie.
L'altérité, la "différence" équivaut au mal radical.
Nous sommes donc, aux antipodes de la pensée de Socrate (p. 22)
pour qui "Nul n'est méchant volontairement" (cité à
plusieurs reprises par Platon). Dans le contexte absolument dualiste
de la morale clanique le seul moyen de combattre le mal est de
l'éradiquer complètement afin d'éviter toute "contamination".
Quant aux Dix lois du décalogue elles
ne représentaient en rien un code de morale universelle pour les
Hébreux anciens. C'est le christianisme qui leur donna une portée
universelle. Pour les Hébreux, les goyims, il est permis de leur
mentir, de les tromper, de les voler, de les tuer (p. 74 et p. 38) :
" Lorsque Yahve, ton Elohim t'aura
conduit au pays qu'il a juré à tes pères ... de te donner, avec
des villes grandes et prospères que tu n'as pas bâties ... des
maisons pleines de tous biens que tu n'as pas remplies ... des puits
que tu n'as creusés ... des vignes et des oliviers que tu n'as pas
plantés ... garde-toi d'oublier Iahve qui t'a fait sortir d'Egypte,
de la maison des esclaves" (Deut. 6, 10-13 : ).
"Les
peuples qui occupent le pays ... constituent pour le peuple hébreux
qui va les envahir et doit les 'chasser' (Ex 34, 11) un piège
(Ibid. V 12). Il ne faut pas pactiser avec eux. "
Cela
rappelle l'attitude vis-à-vis des infidèles prescrite aux musulmans
par le Coran. La tradition rabbinique interdit aux Juifs le vin des
non-juifs non tellement parce qu'il aurait pu être offert à une
idole mais pour empêcher toute convivialité avec des non-Juifs.
Rapine et meurtre sont justifiés dès
qu'ils servent les intérêts du peuple de Iahve :
"Je ferai gagner à ce peuple la
faveur des Egyptiens et, quand vous partirez, vous ne partirez pas
les mains vides. Chaque femme empruntera à sa voisine et à
l'hôtesse de sa maison des objets d'argent, des objets d'or et des
vêtements. ... vous en dépouillerez les Egyptiens" (Ex 3,
21-22; 11,2 ; 12, 35-36 cité par J.Soler, op.cit., pp p. 71-72).
Faut-il aimer son prochain ?
Mais d'abord qui est le prochain ? Pour
les anciens Juifs le prochain (réa) ne peut être qu'un autre
juif. Nulle question d'humanisme. Au départ pour les Hébreux les
"prochains" sont les "proches", c'est-à-dire les
membres d'un même clan. Les Juifs qui ont écrit l'Ancien Testament
n'ont d'autre préoccupation que de "fédérer aussi étroitement
que possible, quelques tribus indépendantes qui se reconnaissaient
un ancêtre commun, Jacob dit Israël (p. 69)". De même la
religion ancienne est assez différente de la religion rabbinbique.
Guère pacifique non plus, ce dieu : la violence est tout à fait
légitime et parfois recommandée contre les goyim.
"Ce qui fausse la compréhension
de ces textes, c'est l'interpétation qu'en a donnée le
christianisme, qui a fait subir à la notion de
frère-compagnon-compatriote une mutation de sens pour qu'elle
désigne l'homme en général, le 'prochain' – le 'frère humain',
comme écrivait Villon – et qui a mis l''amour' au centre de sa
foi. Pour ne pas être en reste, en des temps où l'universel était
bien coté, des Juifs ont soutenu que la Loi de Moïse prônait
l'amour fraternel entre tous les hommes. (p. 108)"
Freud (p. 109) l'a rappelé dans
Malaise dans la civilisation (PUF, 1929, p. 53 et 63) : pour
lui cette "conception éthique ... est un héritage de la
religion chrétienne" :
'Parmi les exigences idéales de la
société civilisée, il en est une qui peut ... nous mettre sur la
voie. 'Tu aimeras to prochain comme toi-même' ... Pourquoi serait-ce
là notre devoir ? ... Si j'aime un autre être, il doit le mériter
à un titre quelconque ... il serait injuste à leur égard [les
miens] d'accorder à un étranger la même faveur ... Il est un
second commandement qui qui me paraît plus inconcevable et déchaîne
en moi une révolte plus vive encore. 'Aime tes ennemis', nous
dit-il". [Sermon sur la montagne]. Manifestation commente Jean
Soler (op.cit. p. 110) de la " 'révolte' d'un Juif athée
qui ... porte un regard critique sur la très catholique Autriche où
il vit. Il rejette des idéaux qui sont à ses yeux illusoires ou
hypocrites, car l'homme n'est pas né bon ...".
Autre exemple cité par Soler (p. 110),
l'écrivain américain Paul Auster pour qui : "le judaïsme
... propose des codes permettant une vie non pas idéaliste mais
réaliste. La règle d'or du christianisme est la suivante : ' Faites
aux autres ce que vous voulez qu'ils vous fassent.' Le juda¨pour sa
part dit : 'Ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas qu'ils
vous fassent.' C'est fondamentalement différent".
De la même manière, le Coran est
"réaliste" au point d'être injuste à l'égard de tout ce
qui n'est pas musulman et de défendre l'idée de "la force fait
le droit". Il prend la nature telle qu'elle est et cherche à
l'utiliser dans l'intérêt exclusif de l'islam et des musulmans. A
la décharge de la religion sémite Soler commente : "c'est
n'aimer personne que de prétendre aimer tout le monde. L' ami du
genre humain' comme Alceste appelle Philinte dans le Misanthrope,
n'éveille-t-il pas nos soupçons ?"
Je serais moins indulgent que Soler. La
morale ne consiste pas à accepter la nature humaine et sociale dans
toute sa brutalité ; elle consiste justement à créer une "nouvelle
nature", un "homme nouveau" de manière à en diminuer
les expériences pénibles et aménager la vie en société. C'est le
propre même du processus de civilisation. Et c'est probablement ce
que voulait dire le Christ dans le Sermon sur la montagne " Vous
avez entendu qu'il a été dit : 'tu aimeras ton prochain comme
toi-même et tu haïras to ennemi.' Et bien ! Moi je vous dis :
'Aimez vos ennemis et priez pour vos persécuteurs ... ' (Mt 5,
43-45)". Si vous n'aimez que vos proches et vos amis, "que
faites-vous d'extraordinaire ?" continue-il. En quoi êtes-vous
différents des païens et des publicains ? On pourrait même dire :
en quoi un tel réalisme moral diffère-t-il de l'éthos des animaux
domestiques ou des bêtes sauvages ? Cette démarche peut-être
rapprochée de celle de la méditation bouddhiste metabhavana
fournissant t comme moyen de réduire la colère et la haine
d'imaginer ces circonstances relatives qui ont donné à la personne
objet de la haine les caractéristiques détestées, permettant ainsi
par une dé-réification de la notion de "soi" - les "sois"
individuels n'étant que des modulations circonstancielles,
contextuelles, d'un phénomène identique - l'identification à
cette personne détestée . Quelles circonstances, dont elle n'est
pas nécessairement l'unique responsable, l'ont-elles menées à être
aussi "détestable" ?
Dans le même esprit Richard F.
Gombrich (How Buddhism began, New Delhi, Munshiram Manoharlal,
1996-1997, pp. 62-63) interprétant le Piya Sutta (DN, 3)
poursuit le syllogisme : chacun de nous est semblable en ce qu'il
s'aime soi-même au delà de tout et cherche à éviter la
souffrance. Nous devrions donc éviter de nuire à nos semblables :
"one who loves self should not harm others"(DN, 3). Ce qui
revient à la formule lapidaire de l'Evangile (Marc, 12, 31) : "Aime
ton prochain comme toi-même".
Tout ceci renforce ma conviction que,
si historiquement, diachroniquement, judaïsme, christianisme et
islam découlent indubitablement de la même source, structurellement
ou synchroniquement le christianisme a plus d'affinité avec le
bouddhisme qu'avec les deux autres religions monothéistes. La
compassion bouddhiste peut sembler "théorique" mais si le
Loi de Moïse ou la Charia sont moins utopiques, peuvent-elle servir
de modèle à une société globale ayant irréversiblement dépassé
le stade clanique et tribal ?
La Chine d'ailleurs malgré une morale
qui échelonne aussi le devoir de solidarité depuis les proches
jusqu'à l'Etat en passant par "les amis et alliés" - qui
peuvent d'ailleurs être choisis en dehors de la famille a aussi
produit les philosophies humanistes et universalistes de Mencius et
Mozi.
Les Chinois contemporains sont
d'ailleurs conscients des divergences existant sur ce point entre
confucianisme classique, école de Mencius
et bouddhisme. Mais plutôt que d'en condamner une au profit de
l'autre ils préfèrent garder présents à l'esprit le réel et
l'idéal, le point de départ et le but visé.
Si le but de toute religion devrait
être de "corriger" la nature humaine de manière à lui
faire atteindre certains objectifs privés et collectifs, bouddhisme,
christianisme et même néo-confucianisme remplissent mieux les
conditions de "religion universelle" que l'islam.
Le prêt à intérêt
On
sait que l'Ancien Testament comme le Coran condamnait le prêt contre
intérêt. Détail souvent ignoré ou incompris, c'est entre juifs
uniquement qu'il est interdit de prendre un intérêt : "Le
dessein qu'avaient les Hébreux de s'élever au-dessus des autres
nations (et qui pourrait le leur reprocher ? Les grands peuples n'ont
été grands que parce qu'ils ont entretenus cette ambition) se
serait mal accomodé d'une politique trop généreuse ... à l'égard
des étrangers qui vivaient chez eux. On payait leur travail, on leur
achetait des enfants pour en faire des esclaves, on n'allait pas en
plus, leur prêter de l'argent sans intérêt !" (p. 104).
Le prêt sans intérêt dans l'islam
pose la même question : dans l'état musulman gouverné par la
charia les infidèles bénéficieraient-ils aussi du prêt sans
intérêt ? On peut en douter !
Açabiya
Sur l'esprit de corps – açabiya
en arabe - entre membres de toute société segmentaire, je cite
ci-dessous textuellement certaines des remarques de Jean Soler dans
son chapitre 12, "Unité nationale et cohésion sociale" :
"afin d'empêcher que le peuple ne
se mélange aux autres peuples ... il lui est interdit de contracter
avec eux des mariages ou des alliances politiques. De manière à
rendre impossible, radicalement, toute tentation de ce genre, un
commandement divin ordonne de massacrer tous les habitants, femmes,
enfants et vieillards compris, des cités cananéennes dont on aura à
s'emparer pour se substituer aux autochtones. Freud aurait pu
ajouter ses ancêtres à la liste (op.cit. p. 110) qu'il donne des
envahisseurs exterminateurs (Les Huns, les Mongols, etc.), pour
prouver que l'homme n'est pas, face aux autres représentants de son
espèce, un 'être débonnaire, au coeur assoiffé d'amour'. C'est par
la violence également qu'a été obtenue, d'après la Bible,
l'unification interne du peuple [comme le sera celle de l'Islam]. L'acte fondateur ... est le massacre
des Israélites adorateurs du veau d'or ... 'Tous les fils de Lévi
s'assemblèrent autour de lui', Ex. 32, 26. Ils s'arment et passent
au fil de l'épée '3 000 hommes', v 28, sans épargner les parents
les plus proches, qui un 'fils', qui un 'frère' (ah, au sens
premier) v 27 et 29" (p. 112).
Les 613 commandements du judaïsme
talmudique
A partir du moment où, le
christianisme devient religion de l'Empire romain et où, deux
siècles plus tard, l'islam se répand dans tout le Moyen Orient,
le monde entier devient monothéiste et les Juifs se voient menacés
de perdre la singularité qui les distinguait.
Saül de Tarse avait jugé que les
préceptes de Moïse étaient un carcan devenu inutile ; Mohammed est
allé plus loin encore en déclarant que Dieu ne voulait rien imposer
de trop dur aux croyants. Afin de préserver leur identité dans ce
contexte nouveau, les juifs prirent le chemin inverse en multipliant
les règles. Juifs se ferment de plus en plus au fur, au moyen des
613 commandments talmudiques à mesure que le monde se monothéise :
les règles relatives au sabbat se multiplient (p. 182-186), il est
désormais interdit de mélanger viande et lait, ou fromage (p. 191),
"le vin cachère [notion inconnue de la Bible] c'est un vin qui
a été fait, du début à la fin, par des Juifs" dirait un
oenologue israélien, vin "qui n'a pas été souillé par les
mains de goyim" commente Soler (p. 199).
Les Juifs n'ont jamais accepté l'abolition des différences entre ethnies proclamées par les chrétiens pas plus qu'elles ne peuvent admettre la relativisation des différences entre espèces qu'implique la croyance en la ré-incarnation dans l'hindouisme et le bouddhisme, ou la théorie évolutionniste de Darwin: "Leur monde est ordonné au moyen de distinctions constitutives ... Elohim a créé les êtres vivants 'selon leurs espèces Gen 1, 24-25)' ... La Loi interdit de consommer des animaux hybrides, de croiser des animaux d'espèces différentes, de porter des vêtements mélangeant différentes fibres naturelles. L'Homme appartient à une autre catégorie que les animaux. L'humanité est constituée d'ethnies comme le monde animal d'espèces différentes (Jean Soler, Invention, p. 185). Le mythe de Babel signifie le rejet instinctif des grandes villes par les premiers Hébreux à l'époque formatrice de leur éthos : les villes sont des lieux de perdition, c-à-d où se perdent les identités claniques. Pour y parer, Dieu leur Dieu crée la confusion en créant la multitude des langues (Idem, p. 186). Au 3e AEC déjà le Grec Hécatée d'Abdère évoque la "xénophobie" des Juifs (Idem, p. 187).
Les Juifs n'ont jamais accepté l'abolition des différences entre ethnies proclamées par les chrétiens pas plus qu'elles ne peuvent admettre la relativisation des différences entre espèces qu'implique la croyance en la ré-incarnation dans l'hindouisme et le bouddhisme, ou la théorie évolutionniste de Darwin: "Leur monde est ordonné au moyen de distinctions constitutives ... Elohim a créé les êtres vivants 'selon leurs espèces Gen 1, 24-25)' ... La Loi interdit de consommer des animaux hybrides, de croiser des animaux d'espèces différentes, de porter des vêtements mélangeant différentes fibres naturelles. L'Homme appartient à une autre catégorie que les animaux. L'humanité est constituée d'ethnies comme le monde animal d'espèces différentes (Jean Soler, Invention, p. 185). Le mythe de Babel signifie le rejet instinctif des grandes villes par les premiers Hébreux à l'époque formatrice de leur éthos : les villes sont des lieux de perdition, c-à-d où se perdent les identités claniques. Pour y parer, Dieu leur Dieu crée la confusion en créant la multitude des langues (Idem, p. 186). Au 3e AEC déjà le Grec Hécatée d'Abdère évoque la "xénophobie" des Juifs (Idem, p. 187).
Les 613 commandements du judaïsme
talmudique ont donc pour but, dans un monde devenu monothéiste,
d'empêcher toute fusion du peuple élu avec son environnement : "La
religion des 613 commandements est dirigée largement contre la
religion des 10 commandements, celle des chrétiens" (p. 205).
C'est une "religion post-chrétienne" (un peu comme
l'hindouïsme succédant au brahmanisme est une religion
post-bouddhiste).
Pour le judaïsme le "salut"
est affaire purement terrestre et collective. Il consiste en la
survie du peuple juif et dans l'espoir "que se réalisera un
jour la promesse faite aux ancêtres de devenir un grand peuple à la
tête des nations ... Aucun verset de la Tora ... ne demande aux
Juifs de faire connaître aux autres peuples le culte de leurs dieu.
... pas un des 613 commandements ne fixe aux Juifs cette prétendue
mission (p. 204)".
Alors que la vague chrétienne risque de les submerger l'Apocalypse de Baruch (14, 19, cité par Soler, Invention, p. 205) se lamente qu'alors que le monde créé par Dieu pour les Juifs va continuer à exister, les Juifs sont en train de disparaître : "Le monde qui a été fait pour nous, subsiste. Et nous pour qui il a été fait, nous disparaissons". Soler résume ainsi le sentiment de ces Juifs du tournant de l'ère chrétienne, peu conscients que c'était aussi sur le modèle des grands dieux égyptiens, babyloniens et égytiens que leur propre dieu tribal, Iahve, était devenu le Dieu unique des Juifs : "Voilà que des goyims, en nombre de plus en plus grand, s'appropriaient le Dieu des Juifs ! Jésus et Paul, ces traîtres ... avaient dénationalisé le dieu des ancêtres pour l'offrir à n'importe qui !" Après que leur dieu se soit nourri des dieux des voisins, il est à présent dévoré par ce nouveau venu qu'est le dieu des Nazaréens.
Les Juifs ont survécus à des siècles d'isolement et de persécution mais la médaille d'argent remise "Justes parmi les antions", goyims qui ont sauvé des Juifs de l'entreprise d'extermination des nazis porte une inscription en hébreu (Mishna, Talmud, Sanhédrin, 4-5) que le Grand Rabbin de France a traduit lors de sa remise en septembre 1999 "Celui qui sauve un homme sauve l'humanité". Soler (Invention, p. 215), en donne la version originale de l'édition anglaise : "Whoever destroys a single Israelite soul is deemed by Scripture as if he had destroyed a whole world. Whoever saves a single Israelite soul is deemed as if he had saved a whole world".
Alors que la vague chrétienne risque de les submerger l'Apocalypse de Baruch (14, 19, cité par Soler, Invention, p. 205) se lamente qu'alors que le monde créé par Dieu pour les Juifs va continuer à exister, les Juifs sont en train de disparaître : "Le monde qui a été fait pour nous, subsiste. Et nous pour qui il a été fait, nous disparaissons". Soler résume ainsi le sentiment de ces Juifs du tournant de l'ère chrétienne, peu conscients que c'était aussi sur le modèle des grands dieux égyptiens, babyloniens et égytiens que leur propre dieu tribal, Iahve, était devenu le Dieu unique des Juifs : "Voilà que des goyims, en nombre de plus en plus grand, s'appropriaient le Dieu des Juifs ! Jésus et Paul, ces traîtres ... avaient dénationalisé le dieu des ancêtres pour l'offrir à n'importe qui !" Après que leur dieu se soit nourri des dieux des voisins, il est à présent dévoré par ce nouveau venu qu'est le dieu des Nazaréens.
Les Juifs ont survécus à des siècles d'isolement et de persécution mais la médaille d'argent remise "Justes parmi les antions", goyims qui ont sauvé des Juifs de l'entreprise d'extermination des nazis porte une inscription en hébreu (Mishna, Talmud, Sanhédrin, 4-5) que le Grand Rabbin de France a traduit lors de sa remise en septembre 1999 "Celui qui sauve un homme sauve l'humanité". Soler (Invention, p. 215), en donne la version originale de l'édition anglaise : "Whoever destroys a single Israelite soul is deemed by Scripture as if he had destroyed a whole world. Whoever saves a single Israelite soul is deemed as if he had saved a whole world".
Autres ressemblances du judaïsme
avec la culture arabe et l'islam
Le judaïsme n'est pas matriarcal,
contrairement à ce qu'on entend parfois. La règle suivant laquelle
on est juif par sa mère répond à cette paranoïa généralisée de
la société juive à partir du moment où le monde étant devenu
monothéiste, les juifs devaient pour conserver leur singularité,
accumuler les signes et pratiques distinctives, pouvant aller jusqu'à
l'obsession. Cette manie ira jusqu'à aménager les règles de
reconnaissance de la judéité. Que le père soit ou ne soit pas juif
"On sait toujours qui est la mère d'un enfant" (p. 330
note 10), ce qui réduit ainsi, en milieu désormais majoritairement
"non-juif" les chances de "contamination".
Le
judaïsme réformé cependant, vit naissance au 19 e siècle en
Europe et se propagea aux USA. Il représente la majorité des Juifs
à l'échelle mondiale et accepte les mariages mixtes ainsi que le
principe de la transmission de la judéité par le père (en cas de
mariage mixte où la mère est non-juive).
Pour
les Hébreux le mari était propriétaire de sa femme, au même titre
que d'un champs ou de bétail (p. 70). Il pouvait la répudier
librement "tandis que l'inverse est impossible" (p. 218).
Terminons
avec cette réflexion de Jean Soler : "Il faut n'avoir
jamais quitté sa ville natale, comme Kant Koënigsberg, pour
s'imaginer que les catégories mentales que l'on découvre dans sa
tête sont universelles" (p. 268). C'est malheureusement cet
ethnocentrisme aussi naïf et arrogant que celui de Kant qui nous a
mené aux impasses que connaît actuellement l'idéologie
multiculturalistes en Occident.
Complément bibliographique
Bottéro, Jean, La naisssance de Dieu,
Gallimard, Folio, 1986-92
Soler Jean, L'Invention du monothéisme,
Hachette, 2003
Idem, La violence monothéiste,
Editions de Fallois, 2008
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire